Se souvenir des belles choses … un principe souvent dur à appliquer

Voilà très longtemps que je n’avais pas écrit de chronique personnelle, de chronique parlant humeur. Hier, c’était une date particulière pour moi : mon petit frère (de coeur) aurait eu 16 ans … et comme chaque année, j’écris un petit quelque chose à la date précise et en parcourant toutes mes chroniques, je me suis rendue compte que je ne le faisais pas seulement avec lui et alors, je me suis remise en question sur un point : doit-on forcément parler d’eux à une date précise pour ne pas les oublier ?

Ce n’est pas que je ne pense pas à lui, ou même à ma grand-mère par exemple, tous les jours que je ne l’ (les) oublie pas mais je ne parle jamais de lui (d’eux) … ou bien quand je le fais, je dois faire attention avec qui j’en parle parce qu’il y a toujours cette peur de blesser en les évoquant (vu que je suis une catastrophe ambulante concernant les émotions, je plante plus des couteaux que de mettre du baume au coeur). J’ai toujours eu besoin de parler d’eux car ça m’aide à continuer ma vie. Je ne parle presque jamais de ma grand-mère alors que pourtant, elle a été un véritable point de repère pendant mes presque 24 années de vie. Le week-end dernier, c’était la fête des grands-mères et je l’ai oublié. J’ai oublié cette fête, oublié de la souhaiter à la dernière grand-mère qu’il me reste. Je m’en suis rendue malade toute une journée parce que c’était toujours elle qui me faisait penser à cette fête, toujours elle que j’allais voir le week-end, que j’appelais pour tout et rien. L’oublier ne serait-ce qu’un moment clef de ma vie fut une véritable déchirure car j’ai toujours parlé d’elle lors de moments précis dans ma vie ou dans la sienne. Je vis donc dans le passé en faisant ça … est ce que ça fait de moi une personne étrange ?

Moi j’ai l’air vraiment étrange !

Quand des parents éduquent des enfants, ils leur transmettent des principes. Tu sais, ce genre de choses qu’on appelle plus communément « valeurs » (je cite ma mère) qui sont censées te guider dans la vie que tu sois enfant, adolescent ou bien adulte. Des valeurs qui vont t’aider à devenir celui ou celle que tu es aujourd’hui et pour lesquelles tu devras te battre pour montrer à tout le monde qui tu es. Moi mes parents, venant chacun de deux milieux totalement différents, ils ont essayé (j’ai bien dit essayé) de m’apprendre des valeurs comme l’argent, le respect ou encore celle pour laquelle je suis en train de partir en cacahuètes : ne pas vivre dans le passé.

Plus facile à dire qu’à faire …

Normalement, le passé, une fois qu’on l’a vécu, on le met dans un coin, imagé souvent comme un tiroir dans sa tête avec une étiquette avec son nom dessus, et puis on ne l’ouvre que lorsqu’on veut évoquer des souvenirs, la plupart du temps heureux. Moi le mien, quand j’y pense, j’ai jamais réussi à le fermer véritablement. Il est constamment ouvert mais des feuilles de souvenirs s’en échappent qu’à des jours, des moments particuliers de ma vie. Du moins, c’est ce qui expliquerait pourquoi le choix (inconscient ?) des dates. Le plus souvent, c’est à des dates anniversaires (naissance, mort, le truc habituel). Revenons à ce principe selon mes parents. Il ne faut pas vivre dans le passé parce que 1 : on peut pas revenir en arrière pour réécrire l’histoire, 2 : se projeter dans l’avenir est bien plus important car c’est maintenant qu’il faut vivre ce qu’il faut pour y arriver et enfin 3 : ça peut provoquer tout un tas d’émotions dont certaines sont négatives et influent donc sur notre état d’esprit actuel. Bah mes parents … ils ont alors échoué avec ce principe parce que j’ai toujours été comme ma mère, une véritable éponge qui absorbe toutes les émotions qui passent autour de moi (et en plus, c’est généralement les négatives). Ma mère, ça lui a fait beaucoup de mal à certaines périodes de sa vie, même encore maintenant je pense (même si j’ai l’impression qu’elle fait tout pour pas qu’on le voit). Elle a pas envie que je souffre comme elle et pourtant … ça n’a pas marché. J’arrive pas à avancer sans garder un pied dans le passé. C’est comme si j’avais pas pas envie autre chose que le passé et que si je le laisse dans un coin, c’est comme effacer un pan de ma vie.

Ou casser une lampe …

Hier, je me suis levée, j’ai coché la date sur le calendrier et je me suis assise devant mon ordinateur, prête à dégainer mes émotions, mes mots et à parler de mon petit frère. Pour ne pas tourner en rond et être redondante, j’ai fait un tour rapide dans mes archives bloggesques et autres pour voir qu’en fait, je ne parle de lui que le jour de sa naissance et/ou de sa mort … Dans ma tête, j’ai eu la voix de ma mère et son principe et je me suis alors arrêtée net. Ça devenait tout d’un coup morbide à mes yeux et puis mon tiroir toujours ouvert m’a rappelée que je ne le faisais pas qu’avec lui. J’ai donc refermé la page « Nouvel article » et j’ai attendu la fin de la journée pour voir si j’allais tenir bon ou pas. J’ai réussi mais à quel prix ? En refusant de sortir de ma chambre, je suis restée cloitrée à lire et parler à des amis comme si ne rien n’était alors qu’en fait … j’avais vraiment envie d’écrire sur mon petit frère pour exorciser un peu ce passé que je laisse me bouffer continuellement.

Écrire a toujours été plus facile pour moi pour m’exprimer (c’est le cas aussi pour mon père) alors quand quelque chose ne va pas ou me tracasse, j’écris. Après, ça va beaucoup mieux mais là, pour une fois dans ma vie, j’ai essayé de suivre le principe que mes parents ont toujours essayé de m’apprendre et j’en ressors mitigée : contente d’avoir enfin appliqué ce qu’ils m’ont appris mais en même temps en colère parce que faire ça fut à l’opposé de ce que je suis, ce que je vaux.

Vivre dans le passé est une valeur que je me suis inculquée à moi-même et ne pas la respecter m’a vraiment retournée. J’ai cherché toute sorte de prétextes pour tenter de m’expliquer à moi-même pourquoi je n’ai pas suivi ce principe mais bizarrement, rien n’est venu. Pourtant, ma colère est vite retombée quand j’ai relu ma Soeur Cosmique qui a écrit :

« On pourrait aussi dire que l’être humain est plutôt efficace dès lors qu’il s’agit de se trouver des prétextes. Les principes que l’on croit ériger en modèles peuvent eux aussi subir des modifications au fur et à mesure de notre vie. On grandit, on évolue et notre évaluation du bien et du mal évolue en même temps que nous. Parfois, nous pensons que ces valeurs sont tout ce qu’il nous reste quand l’heure est grave. Qu’elles nous rappellent ce que nous sommes vraiment à l’intérieur, véritables bouées de sauvetage auxquelles se raccrocher quand tout est sombre. Et puis parfois, on s’en éloigne d’une façon si radicale que l’on est plus sûr de reconnaître la personne qui nous fait face dans le miroir. »

C’est elle qui a raison (pardon de te citer sans prévenir ma Pan) au final. A trop restée dans mes principes premiers, j’ai pas cherché à comprendre ou à voir qu’un principe évolue au fur et à mesure qu’on construit son chemin dans la vie mais qu’en même temps, si on le perd, on ne se reconnaît plus. Paradoxe bien difficile donc.

Alors oui, parler des gens que l’on aime et que l’on a perdu à des moments bien précis peut être un moyen de ne pas les oublier mais il faut aussi s’en détacher car c’est quand même un cercle vicieux qui peut nous détruire. Peut être ai-je peur de les oublier si je ne parle pas d’eux à ces moments précis ? Je sais que je ne devrais pas mais c’est plus fort que moi. C’est comme si je n’avais jamais fait mon deuil avec leurs départs au final alors qu’en fait, quoi qu’il m’arrive, quoi que je fasse, ils seront toujours avec moi (bon pas physiquement parlant mais peut être dans un objet (quoique je pense pas que ce soit bon aussi ça) ou dans un truc totalement mystique du genre). Faut juste que j’arrive à le rentrer dans ma caboche mais vu le temps qu’il me faut à appliquer certaines valeurs transmises … je risque d’en avoir pour encore longtemps …

6 thoughts on “Se souvenir des belles choses … un principe souvent dur à appliquer

  1. Je me retrouve presque dans ton article, ma chérie. Mon Papy, on ne le « fête » que le jour anniversaire de sa mort. Comme si le reste du temps, on ne pensait pas à lui. Moi, j’ai une photo de lui me tenant dans ses bras bébés à côté de mon lit. Je ne l’oublie pas, n’ai pas besoin d’un calendrier pour me souvenir qu’il a fait partie de ma vie…

    Je n’ai perdu que lui d’important, mais Maman, elle, a perdu sa meilleure amie, son âme soeur, lorsqu’elles n’avaient que onze ans, renversée par un chauffard et morte sur le coup. Ca la hante, la bouffe de l’intérieur. Il est rare qu’une semaine passe sans qu’elle ne se demande ce que sa vie amicale serait si Sophie était toujours en vie.
    Mais le jour de la Toussaint, elle se refuse d’aller poser des fleurs sur sa tombe. Parce qu’elle est tous les jours dans son coeur et dans sa mémoire, qu’il n’y a pas besoin d’aller pleurer sur une tombe pour se souvenir de quelqu’un.

    Personnellement, je ne regarde pas derrière moi. Ce qui est fait, est fait. Et si auparavant le passé me hantait et me donnait des envies de me jeter par la fenêtre pour en finir, aujourd’hui, je suis guérie et je ne regarde plus derrière moi, quitte à me dire « Tant pis. »
    Mais, retour de médaille, je ne regarde pas non plus en avant. J’ai un rêve, comme tu sais, mais je ne me projette pas, me refuse ça, parce que j’ai peur de tout gâcher.

    Alors le juste milieu, je pense, on s’en fout. Quand, comme nous, on se sent mal à en crever à quelques périodes de l’année, ça ne va pas disparaitre avec l’âge. Alors autant apprendre à apprivoiser ces moments et à prévoir de ne rien faire pendant ces moments-là…

    Je te rassure, moi aussi j’écris beaucoup pour exorciser. Je ne poste pas forcément ce que j’écris, mais le plus souvent, une lettre bien écrite et bien explosive passée dans l’avaleur fait partir les soucis, ne fût-qu’un instant..

    Je t’embrasse fort fort, <3

    1. Je suis comme ta mère pour la Toussaint … je supporte pas d’aller dans un cimetière en général et si j’y vais, c’est qu’on m’aura traînée de force. Le cimetière est un endroit qui … comment dire … je pense aux morts, je les ai avec moi mais pas besoin d’un endroit « spécial » pour leur parler.
      Par contre, de temps en temps, j’arrive à me projeter dans le futur et c’est ça qui est bizarre : un pied dans le futur, un pied dans le passé et le présent bah c’est comme si je le sautais parfois.
      Cet article … au début, je voulais pas le poster parce qu’il est bien plus personnel que d’habitude mais je me dis aussi qu’à défaut d’en parler à quelqu’un qui me connait, autant en parler avec d’autres qui sont extérieurs et qui donc ne peuvent pas être blessés.
      Je t’embrasse très fort moi aussi <3

  2. Ma No’, tes réflexions d’aujourd’hui sont bouleversantes. Au-delà du fait que je suis ravie de te relire enfin sur ton blog, ton article est plein d’émotions ♥

    Tu soulèves plein d’interrogations passionnantes dans ton texte mais voici mon (humble) avis sur le sujet : quoique tu fasses effectivement, ta grand-mère et ton petit frère de cœur (entre autres) font parties de toi. Que tu parles d’eux ou pas, c’est et ce sera toujours un fait inchangé. C’est à toi cependant de faire ce qui te rend le plus heureuse, sans te forcer à être quelqu’un que tu n’es pas. Si tu ressens le besoin viscéral de t’adresser à eux à des dates précises pour des raisons qui te sont propres, n’y voit rien de morbide. La preuve : tu as tenté hier de « renoncer » à ce réflexe et cela t’a poursuivi toute la journée, comme si ça n’était pas naturel pour toi. C’est justement que ça ne l’était pas. Écrire, c’est aussi exorciser la peine et quand cela nous « appelle », quand on ne peut pas y échapper, c’est que c’est doublement nécessaire. Pour moi il n’y a rien d’étrange à ce que tu vives dans le passé. Tes parents ont tenté de t’inculquer une belle valeur en t’apprenant à te tourner vers l’avenir mais en tant que personne, tu ressens les choses autrement et tu n’y parviens pas totalement. Ce n’est pas pour autant que tu trahis leur éducation, loin de là et ça ne fait pas de toi quelqu’un d’étrange, au contraire. Tu fais juste partie de ces gens, tout comme moi, qui ne peuvent pas « oublier ». Il n’y a pas de mal à avoir un pied dans le passé tant que ça ne nous entrave pas et qu’on en garde bien un tourné vers l’avenir ! (ce qui est la partie la plus difficile si tu veux mon avis). C’est parfois très dur mais il faut garder en tête que le passé ne doit pas prendre le dessus sur le présent. Il y a sa place, évidemment, mais ça doit être dans un petit tiroir tout en bas de la commode, pas le premier tout en haut 🙂 Même si c’est délicat, il faut parvenir à trouver le juste milieu. Mais à mes yeux, c’est un bel hommage que tu rends à tes proches en cultivant leurs mémoires. Si toutefois tu décidais spontanément de ne plus le faire (et non pas en te forçant pour voir…), je suis sûre que tu ne les oublierais pas pour autant. C’est impossible de toute façon. Il faut juste parvenir à trouver le juste milieu entre ce qui te fait du bien (parler d’eux) et ce qui te fera basculer vers la douleur (le fameux cercle vicieux destructeur qui te pousse vers ce réflexe qui te fait leur écrire à date fixe…). Je sais que tu y parviendras. Je t’embrasse bien fort ma Soeur Cosmique ♥

    Ps : ne t’excuse pas de me citer, c’est un honneur pour moi de pouvoir t’aider un tant soit peu…

    1. Je ne suis pas philosophe pour deux sous. J’avais 4 de moyenne à l’année mais j’ai toujours eu tendance à la réflexion. J’avais un carnet pour ça; oh pas un journal intime ! J’ai toujours trouvé ça un peu bizarre. J’écrivais tout ce qui me passait par la tête, ça m’évitait d’avoir droit à une visite chez le psy à l’école (et je peux te dire que j’en ai eu).
      J’arrive parfois à avoir un pied dans le futur, pas tout le temps mais j’y arrive. Le passé, je crois que j’y suis un peu trop engluée et que donc ça peut m’entraver un peu. Mais j’y travaille pour y remédier.
      Pour être honnête, j’y ai cru à cette valeur jusqu’à ce qu’arrive un événement tragique qui ne m’a pas touchée personnellement mais dont j’ai été en quelque sorte un dommage collatéral dirons-nous. Le lendemain de cet événement, j’avais 19 ans et ce jour là, mes parents m’ont sorti ce principe de leur poche et m’ont dit d’aller de l’avant. Comme si en 24 heures c’était possible. Désolée mais non !
      Ma grand-mère … il est clair que je n’ai pas encore fait mon deuil. Trop d’événements qui en ont suivi m’ont empêchée de le faire. Peut être qu’en rentrant en France, j’y parviendrais.
      En tout cas merci d’être là encore une fois ma Soeur Cosmique (ça vaut pour Ana juste au dessus). Je t’embrasse fort toi aussi.

      Ps : c’est te lire qui m’a finalement poussée à l’écrire cet article.

  3. Il y a des gens qui ne font jamais vraiment leur deuil, certaines disparitions étant particulièrement traumatisantes, pour toutes les raisons du monde. Ne culpabilise pas. Ces gens sont dans ton coeur, quoi qu’il arrive. C’est pas parce que tu n’en as pas parlé ou n’y a pas pensé le jour J, que tu les as oublié et leur a manqué de respect. Plus on vieillit, plus on perd des proches malheureusement. On en vient à oublier des dates, des lieux, des moments. Mais jamais les personnes qu’on a aimées.

    Après chacun ses convictions, mais faut pas te brider si tu n’en as pas envie. Perso je continue à parler des gens pour qu’ils continuent à exister. D’autres vont clore le sujet parce que c’est trop douloureux. Si tu as envie de parler, parle. Si tu as envie de te répéter… répète toi ! ♥

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